Par Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ La planète O’Zhinn est dans un état catastrophique, entre sécheresse au Sud et ravage de la glaire noire au Nord.

Autrefois, des géants vivaient sur O’Zhinn ; tous les 200 ans, ils se sortaient de leur longue hibernation et entamaient un difficile périple vers le nord. Les humains, de plus en plus nombreux, les ont chassés et décimés, et ils n’existent plus que dans la mémoire des anciens et dans quelques livres. Lorsqu’à la surprise générale, un dernier géant se réveille, la chasse reprend de plus belle. Mais Odette, vieille dame originale et un brin mystérieuse, scribe de son état, a la conviction que le fléau de la glaire noire est lié à la disparition des colosses. Elle décide donc de tout faire pour le protéger, et lui permettre d’accomplir la Grande Migration, afin de rétablir l’équilibre sur O’Zhinn. Flanquée du timide mais déterminé Childebert, un adolescent rejeté par les autres en raison de son albinisme, elle prend la route avec l’espoir de sauver son monde.

L’expédition est dangereuse, d’autant plus pour un ado et une vieille femme, peu taillés a priori pour l’aventure ! Et puis ce géant a des réactions bien étranges… L’intuition d’Odette est-elle juste ? Parviendra-t-elle à convaincre les puissants dirigeants ? (surtout les hommes, avides de sang et de pouvoir, sourds et aveugles aux conséquences de leurs actes).

Sous ses allures de monde imaginaire, Le Grand Migrateur aborde bien sûr des thèmes particulièrement actuels : le dérèglement climatique et le risque de disparition de la civilisation, la bêtise et l’avidité des humains, la peur de ce qui est différent, la volonté de défendre la nature et les plus faibles. Mais le choix d’un univers fantasy original permet d’éviter l’écueil de la leçon de morale.

LA formidable trouvaille de ce one-shot, c’est son génial duo de personnages principaux, une grand-mère dingue de science, au passé mystérieux, qui fonce sans hésiter et un garçon timide, en butte aux moqueries, mais d’une remarquable sensibilité. Sans oublier bien sûr le géant, une adorable créature maladroite et curieuse. C’est carrément audacieux, très réussi et l’on s’attache très vite à cette vieille femme anticonformiste et courageuse.

Le monde dans lequel évoluent nos héros est très riche, détaillé grâce aux illustrations de Louise Joor, qui nous offre des planches superbes, tant dans la nature que dans les villes, inventant une faune et une flore originales et une architecture particulière qui confèrent une profondeur appréciable à cet univers. Les couleurs reflètent les ambiances du récit, en les soulignant. Le rythme est enlevé, les péripéties s’enchaînent et les plus jeunes lecteurs frémiront pour leurs héro·ïnes. Le découpage dynamique des cases s’accorde parfaitement au tempo de l’histoire.

Sans oublier l’émotion, au rendez-vous de cette aventure palpitante, bourrée de rebondissements et d’intelligence. L’influence de Miyazaki se fait discrètement sentir, dans le message écologiste bien sûr, dans le géant aux allures de créature magique, dans la sorcière pleine de finesse et de force à la fois, mais Augustin Lebon et Louise Joor parviennent à proposer un univers original, une histoire intrigante et des illustrations superbes.

Le grand migrateur 
Scénariste : Augustin Lebon
Illustrations : Louise Joor
Éditions : Rue de Sèvres
Collection : BD Jeunesse
Parution : 30 août 2023
Prix : 14 €
À partir de 10 ans