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Un sentiment de vie : La vie en héritage avec Valérie Dréville, Claudine Galea et Émilie Charriot

  • Écrit par : Christian Kazandjian

viePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Un sentiment de vie entraîne notre être dans un voyage où se mêlent passé et présent, beauté et cruauté.

Une femme seule, âgée déjà. Une vient de lire My secret garden de l’écrivain Falk Richter. S’engage alors un dialogue en absence avec le dramaturge allemand. Et commence à se dévider l’histoire même de cette femme, obsédée par la présence de son père décédé, qu’elle aimait. Tout opposait ce militaire, ayant servi dans les colonies qu’il a toujours reconnues comme françaises et une épouse anticolonialiste. L’amour les rapprochait-il. Oui, peut-être ou était-ce autre chose. Elle ne peut en défaire le nœud et affronte ces brûlures que l’existence laissent gravées dans nos mémoires. Elle en vient à évoquer en vrac tous les sentiments qui la bousculent. Elle en vient à interroger le passé pour comprendre, convoquant pour cela d’autres artistes, notamment ceux qui, comme Janis Joplin, Paul Celan, Nina Simone, et surtout Lenz, personnage de la nouvelle de Georg Büchner, côtoyèrent les parages de la solitude et du désespoir, avant de s’y abîmer et succomber. Passé, présent, réalité fiction se mêlent, s’affrontent, se nient, s’effacent et reparaissent : l’histoire, la petite et la grande se bâtissent, s’alimentent de ces matériaux. Et, comme chez cette femme, l’évocation, somme toute triviale de Sinatra, renvoie aux souvenirs passés, aux interrogations et doutes présents. L’art interroge le vécu qui à son tour interroge l’art, et parler de la mort revient à parler de la vie, à écrire l’histoire de chacun de nous et de l’ensemble des sociétés.

Tout est théâtre

Un sentiment de vie est un texte protéiforme. Pas théâtral diraient ceux qui restent attachés à une intrigue, à des dialogues, à des personnages définis. Ici rien de tel et tout, cependant, est théâtre : ici s’exprime la puissance du verbe s’adressant à l’imagination et à la raison, sans faire abstraction de l’humour, de la trivialité, de la grossièreté, bref de tout ce qui constitue l’être. La pièce, car c’est une pièce, réclame attention : chaque phrase, chaque mot même, fait sens, en l’absence de musique, de décor, de jeux de lumière. Ici, rien de tout cela et pourtant on est au théâtre. La comédienne, Valérie Dréville -quelle comédienne !- quasi immobile au centre d’un immense plateau subjugue par sa présence, la justesse de ses gestes et de son élocution. Elle se dédie de tout son corps à énoncer la difficulté de vivre, d’aimer surtout de le dire, de l’écrire.

Une si haute solitude

La mise en scène d’Emilie Charriot est entièrement tournée vers le texte : le costume de cette femme sans nom (elle est chacune, chacun de nous) est banal ; le plateau est désert pour mieux signifier la solitude, celle-là même qu’on peut ressentir en société, cette société représentée ici par les spectateurs laissés dans la lumière de la salle, qui se font ainsi témoin du récit d’une vie, en certains points semblables à la leur. La pièce bat en brèche certaines théories d’exégètes pour qui le théâtre d’aujourd’hui vaudrait pour ses silences, les mots qui cacheraient, dans leur sécheresse, contradictions et non-dits. Saluons donc l’auteure Claudine Galéa et l’équipe qui choisit de montrer ce texte qui enjoint à l’art, aux artistes, de s’exprimer sans entraves ni œillères. Sincèrement.

Un sentiment de vie  avec Valérie Dréville

Texte : Claudine Galea
Mise en scène : Émilie Charriot
Assistanat mise en scène : Olivia Barron
Lumière : Edouard Hugli
Costumes : Émilie Loiseau
Régie lumière : Alexy Carruba
Administration et production : Sarah Gumy
Diffusion et développement : Marko Rankov
Comptabilité et ressources humaines : Christèle Fürbringer

 

Dates et lieux des représentations:

- Jusqu'au 27 janvier 2024 au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris 10 (01.46.07.34.50.)


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