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Toute nue : strip-tease politico-comique

  • Écrit par : Christian Kazandjian

nuePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Toute nue, mêlant à un siècle de distance Feydeau et Norén, démonte les jeux politiciens des mâles, sur le mode vaudevillesque. On connaît la trame de la pièce de Feydeau, Mais n’ te promène pas toute nue. Ventroux, député aux dents longues, se rêve ministre (d’ailleurs le bruit court).

Il n’a jamais hésité à utiliser son épouse Clarisse, comme belle potiche, pour jouer, en société, la femme de Monsieur le député, aimante et discrète. C’en est trop pour Clarisse qui déclenche un scandale majuscule en présence de Hochepaix, un des maires de la circonscription, ennemi politique déclaré, et un journaliste du Figaro en mal de scoop ; tout cela sous l’œil hagard et égrillard du domestique. De scoop, le reporter sera gâté, assistant à une scène de ménage ébouriffante, avec en prime un strip-tease intégral de Madame.

Emilie Anna Maillet, qui met en scène, a adapté la pièce de Feydeau, y mêlant des textes de pièces de Lars Norén. Cela donne Toute nue, vaudeville totalement déjanté : un jeu de massacre de la politique, ou plutôt des politiciens, dans ce qu’ils représentent de plus lamentable : narcissisme, duplicité, tics, confinant à une manière d’autisme.

Les oripeaux du conformisme

Il fait chaud et Clarisse, se dévêt petit à petit, pour apparaître enfin dans le plus simple appareil. L’époux s’étrangle : sa carrière peut être détruite ; le visiteur y voit matière à y participer. Clarisse, au fur et à mesure de son effeuillage, ôte les oripeaux de l’accompagnatrice fidèle, souriante et effacée. Elle revendique son statut de femme, échappant à la gangue du conformisme et du politiquement correct. Elle est femme. Entièrement, corps et sentiments mis à nu. Elle est Clarisse, plus seulement l’épouse du député et future « ministresse ». Le titre même choisi par l’adaptatrice donne le ton : la parole du mâle qui ordonne, chez Feydeau, a disparu. Reste :  « toute nue », comme la vérité crue et nécessaire. Feydeau était-il féministe à son insu ? Toute nue l’est à grands coups de théâtre, de situations burlesques, de démesure drolatique.

Voyeurisme à la Une

Le texte est haché, en boucle, déconstruit, hérissé d’onomatopées. Les personnages ne s’écoutent pas, ils balbutient, engoncés dans leurs certitudes, leur bêtise. Le rythme, marqué par une batterie, va s’accélérant au gré du déshabillage de Clarisse ; une manière de folie gagne la compagnie. On ne lave plus le linge sale en famille, mais aux yeux de tous, devant les caméras : on s’aspergera donc avec le pommeau d’une douche, une bouteille d’eau. Le ton montant avec la chaleur, les murs mêmes suintent. La caméra traque chaque geste, violant l’intimité, jusque dans le cabinet de toilette : juste retour de bâton pour ceux qui font de leur image un argument de vente électoral. Les personnages tentent d’y échapper dans les couloirs, les travées du théâtre : en vain. L’œil de la caméra est partout : buzz assuré dans la presse de caniveau et sur les réseaux sociaux. Adaptée de l’époque de Feydeau, enrichie de l’écriture de Norén, Toute nue, accentue les dérives qu’avait pressenties l’un des seigneurs du vaudeville, il y a un siècle. La politique, lorsqu’elle se fourvoie en politicaillerie, a toujours alimenté la caricature à travers le dessin de presse, les sketches. Toute nue, remarquablement servie par six comédiens à l’énergie communicative, frappe juste : on rit face à des gesticulations qui ne sont pas sans nous rappeler celles de certains acteurs politiques dont nous sommes témoins tous les jours ; sans oublier l’actualité des luttes des femmes pour affirmer leur identité propre et trouver leur juste place dans la société.

Toute nue
Conception et mise en scène d’Emilie Anna Maillet
Avec Sébastien Lalanne, Denis Lejeune, Marion Suzanne, Simon Terrenoire ou Mathieu Perotto, et François Merville (batterie)
Scénographie : Benjamin Gabrié
Création vidéo : Maxime Lethelier, Jean François Domingues et Noé Mercklé
Création musicale : François Merville
Création lumière et régie générale : Laurent Beucher
Son : Jean-François Domingues
Assistanat mise en scène et régie plateau : Clarisse Sellier
Construction : Benjamin Gabrié, Yohann Chemmoul et les Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne
Réseau : Thibaut Le Garrec

Dates et lieux des représentations: 

- Jusqu’au 21 mars 2020 au Théâtre Paris-Villette, Paris 19e (01.40.03.72.23.)


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