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Pater Noster : une dénonciation subtile et originale d'une vampirisation de classe

  • Écrit par : Delphine Caudal

pater nosterPar Delphine Caudal - Lagrandeparade.com/ Pater Noster est un livre fondamentalement féministe, à mi-chemin entre surnaturel et réalisme engagé. Un livre que l’on n’a pas coutume de lire. Comment la vampirisation d’une jeune femme issue des milieux modestes fait son œuvre, sans crier gare, et comment elle se convainc que cet avenir ne saurait être mieux.

Julia Richard, après le succès Carne, livre un roman atypique dénonçant la condition féminine. Cette plume, surprenante, plaisante, en est d’autant plus efficace.

Dana, d’origine kabyle, rencontre Basile Paternoster, le fiancé idéal, héritier d’une famille aisée, à la carrière prometteuse. Elle est heureuse, elle se réjouit d’être aux côtés d’un homme attentionné, prévenant et très amoureux. Mais petit à petit, sa belle-famille fait émerger chez elle un malaise dont elle ne parviendra pas à se défaire. Célia, la matriarche redoutablement froide, et Homère, le père insistant, susciteront réserve et défiance.

[bt_quote style="default" width="0"] Ce n’est pas la belle-famille dont je rêvais, mais c’est celle que j’ai, alors je vais faire de mon mieux pour que tout se passe bien. (…) Parce que si eux en sont incapables, moi j’ai été conditionnée toute ma vie à m’adapter. [/bt_quote]

Inévitablement, on observe le changement d’état d’esprit de notre héroïne: elle minimise les remarques désobligeantes, excuse les impolitesses, et se laisse malmener sous couvert d’impératifs médicaux.

[bt_quote style="default" width="0"]Maintenant que je m’y suis mis, que j’ai accepté une première fois, que je me suis laissée faire, impossible de faire marche arrière.[/bt_quote]

Elle renie petit à petit ses goûts, ses origines. Son apparence physique laisse transparaître ces influences nuisibles, dans une ambiance à la limite du surnaturel.

[bt_quote style="default" width="0"]Il me parle de sa famille, de tradition, de valeurs, il y insuffle une énergie mystique, comme un gourou qui répand la bonne parole. Il m’explique comment malgré les apparences c’est pourtant bien sa mère qui a un rôle central et comment, moi aussi, un jour, je deviendrai le cœur névralgique d’un foyer heureux.[/bt_quote]

La lecture est fluide, addictive. Le lecteur reste impuissant face à cette transformation. Peut-être ne voit-il pas d’emblée la pression familiale, le carcan imposé par le couple que forment Homère et Célia. Julia Richard ne manque pas de détailler les longues réflexions de Dana, et ses motivations à intégrer cette famille pourtant si peu respectueuse de sa personne.

On apprécie particulièrement l’aspect psychologique du roman. La pensée de Dana est décortiquée, sa réflexion est pertinente, même si elle succombe comme tant d’autres aux violences sociales.

[bt_quote style="default" width="0"] (…) si notre moitié est heureuse, et si nous avons atteint l’objectif qui nous est imposé, celui d’être belles, mères, aimantes, maîtresses et disponibles. (…) Il ne nous reste plus qu’à jeter un œil un peu peiné et dédaigneux vers celles qui n’auront pas réussi à accomplir cette vision, ou pire, qui s’en seront émancipées.[/bt_quote]

Il nous parait toutefois important de préciser que les amateurs de surnaturel risquent de rester sur leur faim : le caractère fantastique donne un relief très appréciable au récit, mais cet aspect du roman n’en est que très peu abouti.

Somme toute, c’est une dénonciation subtile, originale, qui pousse la réflexion sur des sujets trop souvent banalisés. Une belle idée bien menée !

Pater Noster
Auteure : Julia Richard
Editions :  l’Homme Sans Nom
Prix : 21,90€
Parution : 12 mai 2023

 


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