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La dame au petit chien : une lecture émouvante d'Arthur H et Aurélia Thierrée

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Dame au petit chienPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Nous sommes à Yalta, aux beaux jours. Dans cette ville où il y a "beaucoup de généraux" et dans laquelle " les dames âgées s'habillent comme des jeunes filles". Dmitri Dmitrich Gourov, séducteur impénitent, a l'habitude de consommer des femmes en secret de son mariage, des gaies, des froides, des capricieuses...et il finit toujours par se lasser de ses amantes "comme si les dentelles de leur linge s'étaient transformées en écailles." Un jour, il croise Anna Serguéievna von Diederitz, La dame au petit chien " qui a (..) quelque chose qui inspire la pitié." Il est désarçonné par sa "gravité" , sa "pureté de femme honnête" et lorsqu'elle cède à ses avances, elle lui fait l'effet d'une "pécheresse des tableaux anciens". Les heures d'adultère heureux sont pourtant soudain interrompues par la demande pressante d'un mari malade à le rejoindre. Anna s'exécute et Gourov pense alors se "replonger dans la vie moscovite" en oubliant facilement cet adultère romantique. Pourtant, très vite, dans son quotidien retrouvé, " brusquement, tout lui revenait" et "dans son imagination, le passé se mêlait à l'avenir". En réalisant qu'il est amoureux d'Anna, s'immisce également la réalisation douloureuse de sa "vie étriquée" et que " tout ce qui était la substance même de sa vie se déroulait dans l'ombre." Inventée lors d'un séjour à la « Datcha blanche Â», la villa que Tchekhov avait fait construire à Yalta, cette nouvelle fut initialement publiée dans la revue La Pensée russe en 1899. l'auteur y signe un tableau troublant et juste d'un amour aussi ordinaire que beau. Razerka Ben Sadia-Lavant a choisi de faire lire cette romance par un duo émouvant et juste. Si les langues accrochent un peu et mériteraient de se rompre davantage à l'exercice, Arthur H offre sa voix rocailleuse et chaleureuse, qui enveloppe avec douceur cette parenthèse fictionnelle. Charismatique avec pudeur, il alterne les passages lus avec la délicate Aurelia Thierrée à la présence poétiquement surannée...et tous deux basculent perceptiblement, lors des dialogues, dans l'incarnation des personnages.
Il faut applaudir aussi - et vivement -  l'accompagnement inspiré de Sébastien Martel ( guitariste de M, Camille, Morcheeba, Sinclair) avec la cithare qui est la clé de voûte de la magie de cette lecture. Son travail subtil d'accords et de percussions s'improvise battements du cÅ“ur des héros, touches du piano d'Anna...L'instrument est une troisième voix singulière qui ne se contente pas de coller des ambiances adéquates mais invente une nouvelle ligne de partition...et d'interprétation. Superbe.
La dame au petit chien, ceinte pour l'occasion de bottines rouges, flirte avec justesse avec un Gourov au grand H...et l'on ne peut que remercier la Compagnie Objet Direct de faire revivre cette nouvelle de Tchekhov sur la scène et le théâtre Jacques Coeur - et surtout sa directrice - d'avoir eu l'initiative , pour l'ouverture de la saison, de proposer une lecture d'un texte majeur de la littérature pour que les mots, vecteurs de liberté, d'imagination et de partage, soient les premières vedettes de l'année...du théâtre.

La dame au petit chien
Traduction : Madeleine Durand et Édouard Pareyre
Mise en scène : Razerka Ben Sadia-Lavant
Une lecture d' Arthur H et Aurelia Thiérrée
Cithare : Sébastien Martel
Production : Compagnie Objet Direct
Durée : 1h

- Le vendredi 23 septembre 2016 au Théâtre Jacques Coeur ( 34970 Lattes)

 

Retrouvez ici le programme du Théâtre Jacques Coeur ( 34)


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