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La Médiation : Julien Boisselier met en scène la difficulté de s’entendre après une séparation

  • Écrit par : Guillaume Chérel

La médiationPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  « Couple un jour... parents toujours », tel était le titre d’un colloque sur la médiation familiale, qui s’est tenu en 2015. La médiation nous vient d’Amérique du Nord. Elle est née aux États-Unis dans les années 1970. En France, le Code Civil, par la loi du 4 mars 2002 institue la médiation familiale, afin de « faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale». Le juge peut donc proposer aux parents une médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder. Lorsqu’un accord de médiation a été rédigé, le juge pourra l’homologuer. En l’absence d’accord, il lui appartiendra de trancher le conflit. Le sujet a l’air rébarbatif, et banal, tant il  s’est généralisé, a priori, et pourtant avec « La Médiation Â», Chloé Lambert interroge avec humour et (im)pertinence la difficulté d'élever un enfant lorsqu'un couple est séparé.

Pierre et Anna sont séparés. Elle se sent trahie. Il se sent persécuté. Ils sont en guerre et pourtant ils doivent se mettre d’accord pour organiser la vie de leur enfant de trois ans. Une médiation familiale doit leur permettre de renouer un dialogue pacifique et de s’entendre. La médiation aboutira-t-elle alors que les deux médiatrices s’opposent, elles aussi, sur la manière dont elles doivent conduire la médiation ? « Après avoir fait l’expérience d’une médiation familiale, j’ai été étonnée par les potentialités dramatiques et comiques d’un tel cadre Â», explique Chloé Lambert, à la fois auteure du texte et actrice de la pièce Â».
Il s’agit d’un lieu clos. Les personnages ne sont vus qu’à l’intérieur de ce décor unique. Ce choix doit permettre de mieux percevoir la manière dont ils évoluent dans le temps (il y a trois entretiens) et comment le discours de l’un amène l’autre à changer de position, à changer son point de vue. La médiation est donc d’abord un lieu. Au premier plan, on assiste à la confrontation intime d’un homme et d’une femme. Ici, Pierre (obsédé par son travail et les dinosaures) et Anna (mère poule surprotégeant son fils), qui se déchirent au sujet de leur enfant et qui viennent, à la demande d’un juge, trouver des solutions concrètes : « Ce conflit m’a paru précieux", reprend Chloé Lambert, qui ne ménage pas son personnage, laquelle passe son temps à pleurnicher, alors qu’on comprend qu’au fond, c’est elle qui a « raison Â», si tant est que la raison puisse avoir quelque chose à faire dans les affaires de cÅ“ur… Car, comment élever ensemble un enfant lorsqu’on est séparé, que l’enfant est tour à tour cause, prétexte, objet d’un amour passé mélangé au ressentiment et à l’impossibilité de communiquer ? Comment (re)devenir parents malgré tout ? C’est un défi qui transforme l’enfant en objet/enjeu, qui peut le détruire. Quelles angoisses animent ce père et cette mère ? Comment préserver cet enfant (représenté par une chaise vide) ? Ces questions remplissent la première partie de la pièce. La deuxième est celui de l’exercice professionnel des médiatrices (Raphaëline Goupilleau et Ophélia Kolb, excellentes de finesse) qui doivent être impartiales et garantir la confidentialité des échange. Et là une surprise attend les spectateurs…
« Dans notre métier, nous parlons parfois de « pièce pour les acteurs Â», explique Julien Boisselier, excellent en père immature et égocentrique, et qui assure la mise en scène. "La pièce de Chloé Lambert m’a inspiré car les personnages et les registres de jeux ne cessent de varier. Ils sont la matière même de l’intrigue, avec une question: la médiation va-t-elle aboutir à un accord ? Les acteurs sont donc en charge de la mécanique dramatique. La pièce s’adresse à nous très directement en tant que membre d’une famille. Elle nous invite aussi à travers les personnages des médiatrices à visiter l’envers du décor de leur profession. J’ai été surpris à la lecture du texte de Chloé Lambert par la force des situations et leurs rebondissements, par sa construction qui toujours étonne".
Julien Boisselier a su installer le suspens, représenter la cruauté, la violence et la folie dont peuvent être capables des êtres qui se sont aimés, et restituer le comique des différents points de vue. Sa direction d’acteurs amène à jouer au plus près de la situation. Le petit espace du Théâtre de Poche s’y prête parfaitement puisqu’on peut ainsi voir les nuances dans le jeu de regards entre les acteurs ; comme au cinéma ou à la télévision.
Le texte mordant de Chloé Lambert nous fait passer du burlesque à la Woody Allen à la tragédie de « Femmes au bord de la crise de nerf Â», de Pedro Almodovar. Le rythme des échanges tient le spectateur en haleine, l'incite à prendre parti, le change en témoin, un peu comme dans « Douze hommes en colère Â», de Sidney Lumet. On est dedans, qu’on le veuille ou non, car ça nous rappelle tous plus ou moins quelque chose ; que ce soit en tant qu’enfant de divorcés ou parent séparé. Le décor, dépouillé, métallique, permet la transformation du plateau en ring, où s’affrontent père, mère et médiatrices. La salle de la médiation est elle-même un théâtre. C’est un espace de violences imprévisibles où certains éléments, comme le paperboard, s’animent devant nos yeux ahuris. On en ressort vainqueur, ou sonné, K.-O debout.
 
La Médiation
De Chloé Lambert
Mise en scène de Julien Boisselier
Avec Julien Boisselier (Pierre), Raphaëline Goupilleau (Isabelle), Chloé Lambert (Anna), Ophélia Kolb (Jeanne).
A partir de 8 janvier 2016 au Théâtre de poche Montparnasse et jusqu'au 17 juillet 2016 ( 75, Bld du Montparnasse – 75006 Paris )
Réservations : 01 45 44 50 21 / www.theatredepoche-montparnasse.com


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