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Los trabajos improductivos : une mise en scène pas comme les autres

LostrabajosPar Victor Waqué - Lagrandeparade.fr/ Les spectateurs longent les strapontins. Ils ne s’arrêtent qu’une fois sur scène où quelques chaises sont proposées. Un rideau noir transforme la profonde salle du théâtre « humain trop humain » en un lieu intimiste. Au milieu du demi-cercle formé par les spectateurs, une table sur laquelle sont posés une cafetière, un ordinateur, des câbles électriques. Un homme, muni de son talkie-walkie communique avec ses partenaires. Suspendu dans le vide, des écrans de télévision affichent un lieu non identifié. L’homme utilise des phrases concises aux consonances militaires. Il regarde les écrans au dessus de lui sur lesquels vont apparaître ses compères, dans une endroit mystérieux. Le spectacle commence dans une ambiance de braquage. Les trois personnages se réunissent autour d’un café et entament une conversation banale et répétitive.

Ces personnages ne sont pas des interprètes traditionnels. Si l’un est un comédien comme on en trouve partout sur les scènes de théâtre, les deux autres ne sont pas des habitués de l’estrade. Ce sont tous les deux des (vrais) anciens voleurs. Condamnés pour leur crime. Le premier suite à un vol à main armé organisé. Le second pour du pickpocket. Ils ont purgé leur peine. Neuf ans pour l’un. Cinq pour l’autre. C’est un peu de leur histoire qui nous est compté. L’histoire de trois argentins, qui depuis leur espagnol à l’accent chantant, nous transportent dans une partie de leur vie, leur travail « improductif ».

Dans « Los trabajos improductivos » le fil de l’histoire est difficile à percevoir. Si les personnages sont rapidement identifiés, le procédé narratif demeure trouble. Où nous amène la rencontre de ces trois hommes ? La possibilité d’échanger avec les trois comédiens ainsi que le metteur en scène Gerardo Naumann après le spectacle nous a permis d’éclairer les intentions de l’auteur. Elles sont nombreuses. Ancrées dans le domaine conceptuel. Tout d’abord sa fascination pour l’état de concentration. Le moment fugace pendant lequel l’esprit est absorbé dans l’action présente. Sans pensées divergentes. Une compétence exigée autant pour le voleur que le comédien. Les spectateurs sont également confrontés à cet état de concentration, nous affirme l’auteur, lorsqu’ils cherchent à donner du sens à la pièce.
Gerardo Naumann souhaite aussi réfléchir sur la notion de surveillance. A partir des nombreuses caméras disséminées sur scène, filmant autant les comédiens que les spectateurs sous différents angles, le metteur en scène insuffle l’impression d’être épié. Plus tard le scénario nous conduit autour d’une architecture en panoptique, procédé de contrôle par excellence existant dans les prisons et présenté par Michel Foucault dans « Surveiller et punir ». Un contrôle omniprésent, en prison mais aussi partout ailleurs dans la société ?
Gerardo Naumann a fait le choix de mêler des idées intéressantes, mais sans donner de réelle possibilité aux spectateurs de les atteindre. A chacun de créer son propre chemin.

Un sentier pas comme les autres. Et c’est toute la richesse de « Los trabajos improductivos ». Le spectateur est transporté dans un voyage itinérant mêlant images diffusées sur les écrans et déplacement dans l’espace. Car si aux premiers abords la scène nous semble petite elle va vite s’agrandir lorsque nous suivons les comédiens derrière le rideau noir. Nous entrons dans un étroit tunnel pour atteindre une petite salle. A nouveau un écran. Il illustre le parcours du premier voleur. On peut lire son jugement. On le voit en prison. On le voit marcher pour rentrer chez lui. On traverse ensuite un autre couloir surmonté d’un écran sur lequel on se voit franchir ce même couloir, comme une caméra de surveillance. Dans la troisième salle, les spectateurs entourent la structure en bois en panoptique. A l’intérieur, une voiture télécommandée avec caméra embarquée, filme des panneaux miniatures sur lesquels sont affichés des images Google map. La vidéo de la voiture téléguidée nous est projetée sur écran, pour raconter l’histoire du second voleur. La voiture se déplace au fil du récit. Le « voleur » n’est pas là. Il est dans une autre salle, depuis laquelle il raconte son histoire depuis son talkie-walkie. Nous ne sommes plus seulement dans une salle de spectacle. Nous sommes dans de nombreux lieux à la fois. La ville natale du voleur. La salle depuis laquelle il parle. Cette pièce au panoptique. C’est bien la force de ce spectacle que de changer le rapport à l’espace et d’utiliser les outils numériques pour nous faire voyager.

« Los trabajos improductivos » est donc avant tout la découverte d’un théâtre dynamique où le spectateur se meut avec les comédiens, transporté dans différentes dimensions, spatiales et numériques. Le sens lui, reste à construire.

LOS TRABAJOS IMPRODUCTIVOS



Conception et mise en scène : Gerardo Naumann
Avec : Waldemar Cubilla, Pedro Palomar et Daniel Elias
Création musicale et dispositif sonore : Agustín Genoud et le Département Mèq
Création vidéo : Augustin Genoud et Serge Monségu
Directeur de la photographie (pour la vidéo) : Alejo Maglio
Preneur de son (pour la vidéo) : Dana Ale
Scénographie : Mauro Petrillo 
Direction Technique : Gérard Espinosa 
Construction : Christophe Corsini
Création lumières : Verónica Alcoba et Eduardo Maggiolo
Assistanat à la mise en scène : Julieta Bonaiuto de Ana
Production déléguée en France Humain trop humain - CDN Montpellier
Coproducteurs : FIBA (Festival international de Buenos Aires), Chela, Centre Culturel San Martín (Buenos Aires)
spectacle en espagnol surtitré

Dates et lieux des représentations: 

- Du mar. 15/05/18 au jeu. 17/05/18 à humain Trop humain ( Montpellier) Tel. +33 (0)4 67 99 25 00

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