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La conquête de l’inutile : « le superflu, chose très nécessaire»

  • Écrit par : Julie Cadilhac

conquêtePar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Sur le plateau, à l’ouverture, les ombres de Virginia Woolf et Jorge Luis Borges philosophent et se plaignent, lasses d’être condamnées à rester des ombres pour l’éternité. A côté d’elles, Anatole parle et raconte les débuts de sa troupe de théâtre.

Une mise en abîme fort drôle puisqu’elle oppose une cohabitation déroutante entre une ossature formelle caractéristique d’un théâtre contemporain barré et une énonciation directe avec le public qui rappelle les sources du théâtre populaire. Anatole cause d’enthousiasme, de désir de s'affirme dans le vindicatif. Anatole et son blabla « pagnolesque » réinterroge le théâtre, se lance dans un plaidoyer ragaillardissant des bienfaits de rester en marge. Il soliloque et brosse le portrait d’un loser-artiste marginal « Je suis en train d’échouer socialement » qui nous emmerde cordialement. 

[bt_quote style="default" width="0"]Là , en ce moment, on est exactement en train de faire ce qu’on veut.[/bt_quote]

C’est un spectacle à l’ambiance Dada, qui joue des limites entre fiction et réalité, entre acteurs et personnages.

[bt_quote style="default" width="0"]Nous allons former un groupe pour lancer un défi au monde Nous sommes des conquérants de l’inutile Nous imaginons un monde dans lequel ce qui nous manque est ce qui nous définit Dans lequel l’inutile est l’essentiel Dans lequel ce qui est accessoire devient nécessaire Nous nous lançons à sa conquête, une ultime conquête, La conquête de l’inutile Effort maximum, résultat minimum, ou comment faire des efforts surhumains pour obtenir des détails infimes. [/bt_quote]

Le délicieux de cette troupe est sa capacité à donner l’impression d’opérer en toute désinvolture - "On dirait pas. Derrière tout ça, y’a du travail. On a lu des livres." et à orchestrer un grand n’importe quoi sans prétendue queue ni tête ….Réaliser ensuite la pertinence du message intrinsèque véhiculé est proprement jubilatoire. Encore faut-il être open-minded et... prêt à accepter de passer à côté. Sont pas toujours très limpides les zouaves en question!

[bt_quote style="default" width="0"]Quand les circonstances qui pèsent sur nos épaules sont affreusement supérieures à nos forces...[/bt_quote]

[bt_quote style="default" width="0"]A un moment donné, quelque chose a commencé à dégonfler en moi. [/bt_quote]

"La conquête de l’inutile" s’avère une démonstration fantasque de cette criante vérité « Rien d’important ne s’est fait sans enthousiasme » qui en prend volontairement le contrepied en se refusant de proposer quelque chose de sérieux et prétentieux. « Les broutilles et les inutilités disent la vérité sur la vie. »  Ici, par le truchement de l'inutile célébré, on nous invite à changer notre regard, à réaliser qu’on «  a tous notre manière de ressentir, notre sensibilité » et qu'on doit se décomplexer. 
Objet théâtral impossible à catégoriser, aussi foutraque que délirant, éloge de l’absurde, apologie cocasse du lâcher-prise et invitation à négliger le qu’en-dira-t-on, manifeste pour la liberté d’être soi, la "Conquête de l’inutile" vogue toutes voiles dehors entre réalité et métaphore, explose les airbags du rien vers le rien, déconstruit pour mieux construire, s’essaye à des trucs qui ne servent à rien pour mieux tester le pouvoir de nos limites, pousse l’effort au maximum pour obtenir le résultat minimum…
Dans les creux, habitent les mots. Ces pitres contemporains séduisent par leur indécrottable capacité à tout rendre dérisoire et à se battre contre la mouvance actuelle qui n’accorde de crédit qu’à ceux qui délivrent du prêt-à-penser léché et pré-mâché! On a aimé! Jubilatoirement inutile...et donc indispensable, vous l'aurez compris!

LA CONQUÊTE  DE L’INUTILE
Mise en scène : Oscar Gómez Mata
Jeu : Javier Barandiaran, Txubio Fernández de Jauregui, Esperanza López Conception : Oscar Gómez Mata et les comédiens • Création lumières : Roberto Cafaggini Scénographie : Oscar Gómez Mata et Sven Kreter • Vidéo : Sven Kreter • Costumes : Verónica Segovia

Production : Compagnie L’Alakran • Coproduction : Saint-Gervais Genève Le Théâtre, Arsenic-Centre d’Art scénique contemporain (Lausanne), Festival El Lugar sin Limites / Teatro Pradillo (Madrid) • Soutiens : Organe genevois de répartition de la Loterie Romande, Fondation Leenaards, Pour Cent culturel Migros, Fondation Ernst Göhner

spectacle en français

Dates et lieux des représentations:
- Du 27 au 29 mars 2018 à HTH, CDN de Montpellier ( 34)


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