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Monsieur : de la dignité du pauvre

  • Écrit par : Christian Kazandjian

monsieurPar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.fr/ Monsieur, spectacle inspiré puis joué par un homme de la rue aujourd’hui décédé, délivre une belle leçon d’humanité.

Le spectacle Monsieur est le fruit d’une rencontre entre un homme accueilli dans un service d’entraide de la région de Seraing en Belgique et les artistes du Théâtre de la communauté de Seraing. Marcel Creton voulait monter sur les planches pour raconter ses ambitions et devenir chanteur comme son idole Dalida. Claire Vienne, devant la difficulté de l’apprenti comédien à mémoriser un texte, décide de monter Marcel, sans parole. La création est donnée dans les centres d’accueils, les prisons, les écoles. Mais en 2015, Marcel décède. Il est donc décidé de donner le rôle de Marcel à Luc Brumagne et de renommer le spectacle Monsieur.
Le décor de bric et de broc que s’est constitué notre héros présente tous les éléments du confort, sauf que tout y est déglingué. Il faut au locataire des lieux des trésors d’inventivité pour transformer le taudis en logement décent. Et une profonde imagination pour vivre comme tout le monde : se raser, déjeuner, nourrir les moineaux et même aller au bureau. Toutes les scènes que joue l’homme ressurgissent d’un passé qu’on devine sinon heureux, du moins normal : à chaque étape du jour, sa tenue vestimentaire, ses accessoires. Il retrouve les gestes mécaniques du travail, ceux affectueux du fiancé, de l’époux, du père un jour d’anniversaire, et la grâce du violoncelliste répétant les Suites de Bach. Oui, mais tout cela se fait dans la plus totale solitude. Le clown, au fond de lui, est triste : personne pour parler ; d’ailleurs n’en a-t-il pas perdu la parole ?
L’option d’un spectacle sans texte renforce le côté tragi-comique. Car la rue, la pauvreté, l’absence de relations a privé cet homme de parole. Pour exister , celui qui inspira la pièce n’avait d’autre possibilité que de se mettre en scène, de redevenir visible aux yeux des autres, du public que l’acteur prend régulièrement à témoin d’un regard, d’une mimique (public dont nous sommes l’espace d’une heure). Car invisibilité et mutisme sont les tares que doivent supporter les personnes à la rue, là où toute sociabilité, toute créativité se trouvent étouffées. La gestuelle, l’allure dégingandée de Luc Brumagne rappellent celles de M. Hulot. Mais à la différence du personnage de Jacques Tati, pour qui les objets se révèlent hostiles, ils ramènent Monsieur à une forme d’harmonie dans la routine dont l’ont privé les aléas d’une société qui n’admet pas l’échec. Monsieur, sur un mode drôle, acide « ma non troppo Â», nous rouvre les yeux sur un monde marginalisé, stigmatisé. Les êtres humains ne sont pas faits pour vivre seuls, muets et tapis dans l’ombre d’un mur de honte dressé pour les occulter. Devant nos yeux, cet homme, qui aurait voulu redevenir un monsieur-tout-le-monde, c'est-à-dire quelqu’un travaillant, créant, aimant, se transforme en un Monsieur, comme on qualifie quelqu’un qui a réussi sa vie et qu’on respecte. Belle leçon de dignité qu’à offert Marcel Creton en dévoilant ses joies et ses peines, mais surtout ses rêves. Et on doit remercier le Théâtre de la communauté de Seraing d’avoir décidé de perpétuer ce rêve.

Monsieur
Sur une idée de Marcel Creton
Ecriture scénique et mise en scène : Claire Vienne
Avec Luc Brumagne

Dates et lieux des représentations: 

- Découvert au Centre Wallonie Bruxelles ( 46 rue Quincampoix, 75004 Paris) le lundi 26 mars 2018

- Les 19, 20 et 23 avril 2018 à Jemeppe (Belgique) 

- Du 6 au 29 juillet 2018 Ã  13H10 à La Factory, Salle Tomasi ( 4 rue Bertrand 84000 Avignon ) - Avignon Festival OFF 2018


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