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Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu : un spectacle documentaire éminemment politique et engagé

vusPar Imane Akalay – Lagrandeparade.fr / Le collectif belge NIMIS a mené pendant quatre ans un travail de documentation sur les questions migratoires. Par le biais de rencontres, d’ateliers et de recherche documentaire, ils ont mené une analyse des enjeux politiques et économiques de l’Europe face aux flux des migrants, et des rouages juridico-administratifs qui décident du sort des demandeurs d’asile. Ce faisant, ils ont aussi rencontré et noué des liens avec des demandeurs d’asile pour livrer ce spectacle politique puissant et fort instructif.

Le spectacle est construit comme un documentaire mâtiné de reality show. Réunissant comédiens et demandeurs d’asile, il alterne témoignages, scénettes d’entretiens auprès de l’OFPRA (ou son équivalent belge), de Pôle Emploi et autres administrations, et séquences documentaires très informatives. Avec un humour volontairement décalé et grinçant, il pointe du doigt les incohérences du droit international qui permet à toute personne de quitter son pays mais ferme les frontières à l’entrée, dénonce l’absurdité d’un système qui cherche à contenir un flux migratoire qui fait fi de l’humain en dressant des obstacles sécuritaires et administratifs, manne d’argent et terrain d’expérimentation rêvé pour les industries d’armement européennes. Il est rappelé que la traversée périlleuse amenant aux côtes européennes est beaucoup plus onéreuse qu’un billet d’avion, mais que sans visa le seul moyen d’arriver en Europe est au péril de sa vie. Comme dans un reality show où seuls les plus performants réussissent. C’est la règle du jeu !

Le collectif informe, interroge et laisse le spectateur parvenir à ses propres conclusions. Le réchauffement climatique, facteur de désertification galopante et de dramatique paupérisation en région sahélienne, ne constitue pas un argument pour une demande d’asile car dans la Convention de Genève signée après la seconde guerre mondiale l’asile économique n’existe pas. Ne serait-il pas temps d’en refonder les principes ? Pour montrer patte blanche aux officiers de l’OFPRA, il faut parfois se construire une histoire. Il faut évoquer une injustice et une absence de protection juridique dans le pays d’origine. Or la misère économique résultant de la désertification n’est-elle pas profonde injustice au même titre que les guerres ou les persécutions ?

Les comédiens pointent encore l’hypocrisie des réglementations qui interdisent aux demandeurs d’asile de travailler tant que leur situation n’est pas régularisée, encourageant par là même les emplois illégaux sous-rémunérés qui permettent aux européens de consommer moins cher ; l’externalisation de la protection des frontières vers des pays de transit, à coups de milliards de dollars dont les récipiendaires sont parfois des dictatures.

L’Union Européenne a dépensé douze milliards d’Euros pour protéger ses frontières – s’y ajoutent les seize milliards d’Euros dépensés par les migrants pour financer leurs périples. Et si la peur de l’étranger, la peur de l’impact économique d’une immigration massive, coûtait bien plus cher que l’accueil ? Au-delà des valeurs humaines évidemment partagées par toute personne faisant le choix d’assister à ce spectacle, il convient de saluer le travail très complet d’analyse politique et économique effectué par le collectif NIMIS, la mise en scène rythmée, le texte combinant humour et gravité, et l’énergie passionnée des comédiens. On en sort émus certes, mais bien au-delà, on en sort informés, révoltés, et avec l’envie de changer le monde.


Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu 

Conception et mise en scène : NIMIS Groupe (David Botbol, Romain David, Jérôme de Falloise, Yaël Steinmann, Anne-Sophie Sterck, Sarah Testa et Anja Tillberg)
Ecriture et jeu : NIMIS Groupe, Jeddou Abdel Wahab, Samuel Banen-Mbih, Dominique Bela, Tiguidanké Diallo, Hervé Durand Botnem et Olga Tshiyuka
Assistants : Pierrick De Luca, Sarah Heborn, Olivia Harkay
Médiation culturelle : Olivia Harkay
Directeur technique : Nicolas Marty, Julien Courroye
Création vidéo : Yaël Steinmann & Matthieu Bourdon
Création sonore : Julien Courroye
Création Lumière : Pierre Clément, Alice Dussart
Régie Lumière : Nicolas Marty
Régie Son : Florent Arsac
Régie Vidéo : Gauthier Roumagne
Chargée de production : Quai 41 / Christine Cloarec
Diffusion : Bérengère Deroux
Coordination : Edith Bertholet
Prod. : NIMIS groupe
Coprod. : Théâtre National/Bruxelles, le Festival de Liège, La Chaufferie-Acte1, le Groupov, Arsenic 2.
Avec le soutien de : TNB de Rennes, L’Ancre/Charleroi, le Théâtre de La Croix-Rousse (Lyon), le Festival Sens Interdits (Lyon), l’ESACT (Liège), le Théâtre de Liège, Migreurop, l’Université de Liège, La Halte (Liège).

Dates et lieux des représentations: 

- 8 et 9 mars 2018 au Théâtre Jean Vilar / Vitry-sur-Seine
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- 17 mars 2018 au Théâtre Le Channel / Calais
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- 27 et 28 mars 2018 au Théâtre Le Granit / Belfort

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