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Do not feed the trolls : l’ingénue et les gremlins d’Internet

Feed the trollsPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Le spectacle "Do not Feed the Trolls" commence gaiement, légèrement. Avec candeur, la jeune, jolie et souriante Liza, bloggeuse de son état, vient présenter son livre, justement titré "Do Not Feed the Trolls" (elle y raconte sa soudaine célébrité basée sur son narcissisme) qu’elle compte bien dédicacer à la fin de sa conférence. Mais quelqu’un tousse dans la salle. De plus en plus fort. Un assistant lui demande, d’abord gentiment, de sortir de la salle. Mais un autre perturbateur fait alors encore plus de bruit. Il est expulsé en râlant. La métaphore est on ne peut plus simple et clair. Le modérateur, muni d’un balai, qui fait office de community manager, ou Monsieur Loyal, a beau faire, voilà ce que ça donne quand un « troll », aux allures de clown au départ, vient saccager notre espace virtuel : sortis par la porte, ils reviennent par la fenêtre. Anodine, au départ, l’intrusion sur la toile rend la vie de plus en plus insupportable. Au point de vouloir en finir.

On est au cœur du sujet. Appelez-les comme vous voudrez : haters, gremlins, trolls… Le trolling (harcèlement via internet) est la plaie des réseaux sociaux. Ils sévissent en général sur nos pages Facebook, ou comptes Twitter. Ce sont de véritables parasites, cachés derrière leur écran, qui déversent leur frustration, aigreur, colère, jalousie, sexisme, racisme, folie, sur les « murs » des autres. Lesquels ne peuvent mais… Car comment s’en débarrasser ? Si vous les bloquez, ils continuent de vous salir dans votre dos, et reviennent parfois sous un autre pseudo, ou vont jusqu’à créer un compte pour vous pourrir la vie. Ils sont pire que des cafards, poux, punaises, souris : ce sont des nuisibles du monde virtuel. Pendant la guerre, ils nous dénonceraient à la gestapo. Ne riez pas, ces « corbeaux » (sous pseudo) ont poussé des ados (encore récemment) au suicide. A vous dégouter des « réseaux soucieux »… Non seulement ils polluent nos discussions sérieuses avec leurs provocations foireuses, voire leurs insultes, mais ça peut même aller jusqu’aux menaces de mort : ce sont des cybercriminels en puissance.

Comme le raconte la fameuse Liza, notre jeune bloggeuse ingénue, dont le personnage a été inspiré d’une tragique et vraie histoire. Au milieu des années 2000, cette adolescente de 14 ans découvre Myspace et c’est presque par accident qu’elle devient, de façon fulgurante, une célébrité de ce nouveau monde qui s’ouvre à elle. Mais avec le succès arrivent aussi un certain nombre d’individus qui, sous le masque de leurs pseudonymes, sont déterminés à la détruire…

Inspiré par de vrais témoignages – insistons sur ce point - de harcèlement en ligne, superposés aux images des trolls du folklore norvégien, ce spectacle raconte l’histoire d’une jeune fille ordinaire confrontée aux délires et à la violence qui existent anonymement sur le net. L’anonymat, cette règle généralement admise par les utilisateurs des réseaux sociaux, n’est-il pas le problème ? Jusqu’où libère-t-il les pulsions ? Les lâchetés…

Précisons que l’actrice qui joue Liza, Oda K.Nyflott, est norvégienne. Elle joue aussi bien en Français qu’en anglais et norvégien. Co-fondatrice de la compagnie Krumple, elle entraîne le public dans un voyage cauchemardesque, au coeur du « trolling » sur internet.

"Do not feed the trolls" a été coproduit par le théâtre régional de Scenekunst Østfold, la première a eu lieu en janvier 2016 au K60, à Frederikstad. Il a ensuite été présenté à Dramatikkenshus à Oslo et au théâtre régional de Sogn og Fjordane (SoFT) au printemps 2016. Il continue actuellement de tourner en Norvège, jusqu’en mars 2017. Sa tournée est passée par Bagneux, au Théâtre Victor Hugo, dans le cadre du festival « Virtuel.hom(me) » (corps poétique / corps numérique), qui s’interroge, jusqu’au 9 décembre 2017, sur les relations humaines à l’ère du 2.0, avec quatre autres spectacles sur le même thème.

Le collectif Krumple, créé donc, par Oda K. Nyfløtt, Jon Levin, Vincent Vernerie et Jo Even Bjørke, est une compagnie internationale basée à Paris et Oslo, qui concentre sa recherche sur la création visuelle et dynamique au travers d’une expression corporelle originale et décalée. Créée en 2013 après une année riche de plusieurs collaborations, la compagnie rassemble des acteurs, metteurs en scène, marionnettistes, musiciens et magiciens qui ont tous été formés à l’École Internationale de Théâtre Jacques Lecoq. Traversant régulièrement les frontières pour présenter leurs spectacles, la compagnie est constamment à la recherche d’un langage qui dépasse la barrière de la langue. "Go to Sleep, Goddamnit !" est leur première création, qui a d’abord eu lieu au Camden Fringe Festival de Londres, en 2013, avant de tourner en Norvège et aux États-Unis. En 2014, le Krumple s’agrandit et développe un collectif en France qui remporte le premier prix des Plateaux du Groupe Geste(s), en 2016, avec YŌKAI. La compagnie fait partie du Performing Arts Hub de Norvège. Sa spécificité est d’utiliser différentes techniques, et arts visuels, qui vont des marionnettes, aux ports de masques, langages corporels, telle la gymnastique, voire acrobatie, numéros de clowns (maléfiques), façon Stephen King (cf : « ça »). Sans oublier les décors et l’éclairage, tour à tour poétiques et inquiétants. Bref, du spectacle vivant, moderne, engagé, drôle, dérangeant, total, qui en dit long sur nos nouveaux modes de vie.

Do not feed the trolls
Compagnie The Krumple
Avec Oda K.Nyflott, Jon Levin, Vincent Vernerie et Jo Even Bjorke

- Jusqu’au dimanche 3 décembre 2017 au théâtre Victor Hugo de Bagneux ( 14 avenue Victor Hugo – 92220 Bagneux. Réservation 01 46 63 96 66 // Vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h.

Le site de la compagnie :  www.thekrumple.com

Le blog de Guillaume Chérel

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