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Guy Pierre Couleau : "Il faut contribuer à lutter contre le repli sur soi."

  • Écrit par : Julie Cadilhac

Guy CouleauPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Du 28 au 30 septembre 2017, à Colmar, La comédie de l’Est et son directeur Guy Pierre Couleau invite les cinq centres dramatiques nationaux de la région Grand Est, ainsi que le Théâtre du Peuple de Bussang et le Théâtre National de Strasbourg, à fêter les 70 ans de la décentralisation théâtrale. Au programme? Des représentations théâtrales bien sûr, une exposition retraçant l’histoire de la Comédie de l’Est et une table ronde sur la décentralisation théâtrale et son avenir. L'occasion de poser quelques questions au sujet de cette intéressante initiative à son instigateur principal: Guy Pierre Couleau.

Est-ce la première fois que les cinq centres dramatiques nationaux de la région Grand Est, ainsi que le Théâtre du Peuple de Bussang et le Théâtre National de Strasbourg se réunissent pour fêter un évènement ? Y-a-t-il un lien ténu entre ces structures ou c’est un moment exceptionnel? D'où et/ou de qui l'idée a-t-elle germé?

Oui c’est la première fois que les cinq centres dramatiques nationaux de la région Grand Est et le théâtre du peuple de Bussang, ainsi que le théâtre national de Strasbourg vont se réunir pour fêter cet événement.
Alors il y a un lien fort entre nos établissements parce que nous travaillons régulièrement ensemble à des projets; à des productions, des coproductions et des circulations de spectacles. Donc cet événement, cette réunion se fondent aussi sur des liens qui sont déjà existants. Et pour répondre à votre question, c’est moi qui ai eu l’idée de cet anniversaire et donc j’ai proposé à mes collègues de participer à cet événement de l’anniversaire des centres dramatiques fin septembre qui se passera à Colmar.

70 ans de décentralisation théâtrale française. Quelles en sont, selon vous, les réussites? Dans l’histoire de la Comédie de l’Est par exemple?
Le réseau de la décentralisation théâtrale française, c'est un énorme ensemble de plusieurs dizaines d'établissement qui irriguent tout le territoire national. C’est clairement le fruit du travail des institutions que ce soit l’Etat, les régions, les villes ou les départements depuis 70 ans. Donc on est parti en 1947 avec deux ou trois centres dramatiques à Colmar, St Etienne, Toulouse ou Rennes et aujourd'hui on a 38 établissements qui sont des théâtres nationaux en région sur tout l’hexagone jusqu'à l'île de la Réunion. Et puis il y a aussi tout le réseau des scènes nationales, des théâtres missionnés. Une des grandes réussites de cette décentralisation théâtrale française c’est surtout un accès à la culture et à la culture théâtrale mais aussi à beaucoup d’autres disciplines : la musique, la danse, le cirque etc … c’est un accès pour les plus larges publics à la culture dans notre pays, pour des prix de places qui sont très modiques. la plupart du temps. Chez nous, par exemple, le prix moyen de la place est de 7 €.

Et quelles améliorations, de votre point de vue de directeur de théâtre mais aussi de metteur en scène, faudrait-il y apporter ?
La question est assez large et il faudrait plus de temps pour y répondre. J'ai l'impression que plus nous serons des établissements ouverts, plus nous serons démocratiques dans nos choix, dans nos conditions d'accès pour le public, plus nous serons justes pour nos maisons. Il me semble aussi que plus nous convaincrons les publics qui se disent « le théâtre c’est pas pour moi », plus nous arriverons à leur dire « si c’est aussi pour vous !» par nos propositions, par le travail sur le terrain auprès des associations auprès des institutions, plus nous serons dans ce qui est nécessaire. Voilà : entre la justesse et la nécessité de nos maisons il faut chercher ces signes positifs. Et c’est toujours ce qui va vers le public, parce que il faut se rappeler que ces théâtres publics sont des théâtres qui appartiennent au public.

A l’heure des grandes régions et de la construction d’une Europe de la Culture, êtes-vous inquiet pour son avenir? Vous qui avez travaillé en tant que metteur en scène à Riga en Lettonie pendant une dizaine d’années, quelles différences sur l’organisation administrative et décisionnaire de l’Etat avez-vous pu constater…et pensez-vous qu’une harmonisation à l’échelle de l’Europe sera évidente? pertinente?
La question qui nous occupe sur une Europe de la culture est absolument fondamentale pour l'avenir de nos centres dramatiques nationaux, parce qu'il est évident que l'Europe de la culture se construira d'abord par les artistes eux-mêmes, ça c'est sûr et certain. Il faut contribuer à lutter contre le repli sur soi. Et partout en Europe il y a du repli sur soi dans plusieurs pays, évidemment, y compris en France. Donc notre enjeu, pour le futur des 70 prochaines années des centres dramatiques, réside dans ce combat contre les replis sur soi, contre les égoïsmes, contre les clivages entre les peuples. Plus nous serons dans des liens ouverts, construits et pérennes avec les autres théâtres des régions européennes, plus nous contribuerons à lutter contre les populismes.
Vous faites référence à la Lettonie où effectivement j'ai travaillé à quatre reprises au théâtre national. Donc j'ai eu l'occasion de voir un pays qui commençait à se libérer de la domination soviétique et puis qui a adhéré progressivement à l'union européenne et qui est aujourd'hui un pays extrêmement dynamique, avec une population jeune qui veut vivre à l'heure de l'Europe. Donc c'est vrai que les artistes que j'ai pu rencontrer là-bas se sont tout de suite ouverts avec beaucoup de curiosité sur ce que nous faisions et ont mixé ces apports à leur manière pour en faire une nouvelle dramaturgie Lettone. Et ça c'est très intéressant à voir, cette image d’une construction européenne par la Culture. C’est ce que j’ai vécu en direct ici et là-bas. Ce sont des artistes qui sont à découvrir et encore pas assez connus en France en tout cas. Il y a un incroyable vivier de créativité dans les Pays baltes, entre les estoniens, les lituaniens, les lettons.

Comment avez-vous choisi de parler au public de cette décentralisation? Comment en faire un sujet qui ne concerne pas que les « théâtreux »?
La vraie difficulté pour cet événement sur la décentralisation c'était effectivement de ne pas être sur un « entre soi » et de faire un événement théâtral qui ne parle pas qu'aux gens qui font du théâtre. Donc j'ai choisi de proposer à mes collègues artistes qui vont venir de présenter des spectacles contemporains et qui nous fassent réfléchir sur ce que nous sommes, sur le temps et sur le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Des formes simples et ouvertes sur les citoyens, sur les questions qui occupent la société. C’est le rôle du théâtre depuis toujours.

Plusieurs spectacles seront présentés de Jean Boillot, Ludovic Lagarde, Michel Didym, Stanislas Nordey et vous-même…Pourquoi ces metteurs en scène en particulier? Ont-il une histoire spécifique liée à cette décentralisation?
La présence des metteurs en scène que vous citez évidemment n'est pas dûe au hasard puisque ce sont eux qui dirigent les théâtres nationaux et les centres dramatiques nationaux sur la région Grand Est. Donc j'ai voulu créer un événement qui puisse dire à notre public local la réalité, la vitalité du réseau des centres dramatiques nationaux qui est un réseau national, mais aussi qui puisse fédérer sur la région Grand Est les énergies et la créativité des artistes qui ont tous un parcours singulier et qui sont tous convaincus des missions fondamentales de nos établissements nationaux en Région. Leur parcours d’artistes est intimement lié à l’histoire de la décentralisation.

Comedie Festival : Les 70 premières années du CDN de Colmar

Du 28.09.2017 au 30.09.2017 à la Comédie de l’Est ( 6 Route d'Ingersheim, 68027 Colmar )

Le programme: 

Je 28.09.17
à 12h30 Tamara 

à 14h15 Cancrelat

à 18h Inauguration

à 19h La Vie des formes

à 20h30 Ma langue pèle

à 21h Histoire de la littérature récente
Ve 29.09.17
à 10h Cancrelat

à 12h30 Tamara

à 14h15 Don Juan revient de la guerre

à 19h Cancrelat

à 20h30 La Nuit juste avant les forêts

à 21h Don Juan revient de la guerre
Sa 30.09.17
à 14h30 Projection du film "Une aventure théâtrale, 30 ans de décentralisation"

à 16h Table ronde (Salle Michel Saint-Denis)

à 18h30 Ce que la vie signifie pour moi

à 20h C D E Story et clôture du festival. Repas

Le site de La Comédie de l'Est

Crédit-photo : André Muller


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