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Carmen : un récit teinté des résonances d'une vie inachevée

CarmenPar Philippe Delhumeau - Lagrandeparade.fr/ Silence et bruits feutrés dans une église, un jour d'enterrement. Une voix, celle de Carmen, s'élève dans cette péninsule de recueillement. S'assoient le regard effacé et les yeux portés vers les souvenirs, sa mère, ses deux amis d'enfance, son amant et une inconnue. La vie de Carmen, une boite en métal rouillée qui ouverte, révèle un pop-up d'images d'une enfance ballotée entre la tristesse d'une jeune mère et d'un père absent, de copains de jeux devenus les années passant des amis, d'un homme suivi au gré du hasard qui devient son amant et aux côtés duquel elle se découvrira une artiste.
La scénographie se calque sur des parenthèses existentielles, les respirations saccadées de la petite Carmen soucieuse de la santé de sa mère, les questions futiles sur les fleurs de la nappe de la table, le baiser désinvolte donné à Matis, le copain des jeunes années, l'amour pour Antoine, l'adolescent perverti, le départ pour New York avec un artiste colérique dans le vent, la reconnaissance de son travail avec l'exposition au MOMA où le destin de Carmen se décroche d'une toile sans fond.

Le plateau du Théâtre 13 / Seine donne de l'aisance à la dynamique d'écriture de Lucie Digout engagée dans un mouvement où se confrontent les extrêmes, la liberté et l'isolement, le passé et le présent, la poésie et la tragédie, la vie et la mort. Au cœur de cette langue véhiculée par les jeunes comédiens, les formules se font et se défont selon les itinérances liées à des envies de tout bousculer et des doutes impulsés par l’intensité de la dramaturgie. La narration, une construction de phrases simples et courtes, les mots traduisent avec une justesse mesurée la réserve et l’imagination et avec affirmation la révolte et la violence. Ecriture collective qui emmène les personnages là où le temps semble s’être figé sur le flou d’une vie sans enjeu et prend son envol dans les élans amoureux et artistiques.
La mise en scène, une histoire déclinée en trois volets, l’enfance, la jeunesse et la maturité de Carmen. Tel un feuilleton tourné en noir et blanc, la nature des sentiments se révèle brute et sincère. Les contrastes apparaissent dans les changements de scène. La création lumière respecte les clairs-obscurs et intensifie le ballet de ces corps qui se cherchent, se frôlent et se heurtent à des désirs avoués et inavoués.
Carmen, c’est une histoire dans l’Histoire. Sa grand-mère a donné naissance à sa mère durant la guerre franquiste. Deux femmes marquées par l’absence d’un époux et d’un père qui ont respectivement affronté chaque jour levé avec son lot de contraintes.
Jade Fortineau interprète Carmen avec l’exigence imposée par le rôle. Légère et insolente, amie et amoureuse, égarée et découverte, la comédienne s’empare de son personnage avec une liberté et une gravité qui lui appartiennent et elle le restitue avec sensibilité et profondeur dans le collectif jusqu’au dernier souffle. Magnifique interprétation. Julie Julien, la mère de Carmen, habille son personnage d’une vérité sociale et contemporaine qui concerne toutes les femmes qui élèvent seules leur enfant. Un rôle difficile que la comédienne tient sans faillir le spectacle durant. Lucie Digout, auteure, metteure en scène et comédienne, joue l’infirmière, la grand-mère et l’artiste. Deux mots, humble et professionnelle, définissent Lucie Digout. Emmanuel Besnault, Matis, le copain tendre et joyeux avec lequel il est agréable de passer un agréable moment. Une jolie et émouvante prestation. Maxime Le Gac – Olanié, l’amoureux fougueux de Carmen qui brûle sa jeunesse par tous les moyens. Audace et détermination pour Maxime. Charles Van de Vyver, le père et l’amant de Carmen. Un comédien entier dans son personnage qui, à la parole, préfère l’action.

Carmen, une création qui concoure pour le Prix Théâtre 13 / Jeunes metteurs en scène 2017. Un travail abouti qui intégre les codes du théâtre, ouvre des perspectives intéressantes dans l’intention scénique et révèle de bons comédiens.

Carmen
Texte et mise en scène : Lucie Digout
Durée : 

1h25 sans entracte
A partir de 7 ans
Avec Emmanuel Besnault, Lucie Digout, Jade Fortineau, Maxime Le Gac, Julie Julien, Charles Van de Vyver
Scénographie : Juliette Minchin
Costumes : Lucie Digout et Juliette Minchin
Assistanat : Justine Chasles

Production L'Eternel Eté, avec le soutien de Xavier Lescat, le Jeune Théâtre National et le CNSAD

Dates et lieux des représentations: 

- Les Mardi 13 juin et mercredi 14 juin 2017 à 20h au Théâtre 13 / Seine ( Paris)

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