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Au beau milieu de la forêt : quand l'Enfer, c'est la famille...

ForêtPar Virginie Gossart - Lagrandeparade.fr/ Après quinze ans d'absence, Baptiste revient chez ses parents, dans une maison familiale  perdue au coeur de la forêt. Il est accompagné de sa femme, Rose (au prénom si bien choisi et à la robe dont nous vous laissons deviner la couleur). Alors que la vie pourrait reprendre son cours paisible, l'atmosphère se crispe par touches successives, les douleurs du passé et les non-dits prenant le pas sur le cadre bucolique, sur l'insouciance et l'amusement qu'annonçaient ces retrouvailles. Comme dans tout bon conte sanglant qui se respecte, un loup rôde autour de la maison, et trouble de ses hurlements les nuits paisibles.
Tandis que le père cherche à connaître Rose et la prend en affection (tout en instaurant avec sa belle-fille un jeu de séduction à peine voilé de cabotinage), la mère, à l'inverse, semble agacée par cette bru trop silencieuse et mystérieuse à son goût. Aussi prend-elle plaisir à la manipuler et la dévaloriser (la scène de la mousse conseillée en guise de  protection périodique de fortune est assez désopilante), pour mieux asseoir son rôle de mère protectrice (et étouffante).
La forêt, ses mythes, ses contes, ses ombres : c'est le cadre originel, à la fois sombre et lumineux, que Katja Hunsinger a choisi pour nous raconter une histoire de famille qui pourrait être la nôtre. Attraction et répulsion donc. C'est en effet ce que nous inspire chaque personnage, chaque situation mise en scène : le sentiment d'une impossible identification, tant les sentiments mis au jour peuvent être noirs, violents, contre-nature. Et pourtant, cette impression paradoxale d'une troublante familiarité.
Il fallait y penser : créer un huis-clos en extérieur, dans ce lieu hors du temps et de l'espace, cette forêt archaïque et merveilleuse qui va permettre aux désirs et aux pulsions refoulées de faire surface, dans un jubilatoire jeu de massacre.
Les relations complexes entre les personnages et les différents rôles occupés par chacun (épouse et époux, mère et père, belle-mère et beau-père, fils et époux, belle-fille et épouse) sont sondées avec une rare acuité, mais sans jamais tomber dans la lourdeur ni la gravité. La violence des situations est très souvent désamorcée par le rire, par la fantaisie, animée par le dynamisme et la sensualité des comédiens, qui insufflent au sous-texte psychanalytique une énergie corporelle, une véritable incarnation.
Les rapports familiaux sont analysés avec une poésie qui n'exclut ni le cynisme, ni la trivialité. L'immersion dans le monde du conte qui, on le sait, est bien loin d'être tout rose (justement), fonctionne de façon remarquable pour libérer la sauvagerie des rapports familiaux : pulsions incestueuses, hystérie des parents qui croient fixer des règles justes alors qu'ils multiplient incohérences et bassesses morales, emprisonnement des enfants dans le rôle qu'on leur assigne, et fuite comme seule planche de salut... Tant de thèmes dont la profondeur ne peut que faire écho au vécu du spectateur.
Les comédiens du collectif Les Possédés (Yves Arnault, Françoise Gazio, Emilie Lafarge et Julien Chavrial) sont tous remarquables et nous offrent une belle incursion dans l'inquiétante étrangeté des relations fusionnelles, passionnelles, parfois trangressives, entre parents et enfants. Ils nous embarquent sans temps mort dans ce cauchemar familial en pleine forêt, si bien qu'on en redemanderait presque.

Au beau milieu de la forêt
De Katja Hunsinger

Collectif : Les Possédés
Création collective dirigée par Katja Hunsinger

Scénographie : Katrijn Baeten et Saskia Louwaard

Costumes : Sara Bartesaghi Gallo

Lumières : Valérie Sigward
Avec
 Yves Arnault, Françoise Gazio, Katja Hunsinger, Emilie Lafarge et Julien Chavrial
Durée : 1h10 environ

Dates et lieux des représentations:

- Les 16 et 17 mars 2017 au Théâtre de Nîmes ( 30)

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