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Ivan Morane : Camus ou la chute d’un homme au bord de la dépression

  • Écrit par : Guillaume Chérel

La chutePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ La Chute, récit d’Albert Camus, publié chez Gallimard en 1956, est sa dernière œuvre achevée. Un an plus tard, il recevra le prix Nobel de littérature. Trois ans après, il meurt dans un accident de voiture, en 1960. Dans un petit bar d'Amsterdam, au À Mexico-City (sic !), Jean-Baptiste Clamence, ancien avocat qui se dit désormais « juge-pénitent », engage la conversation avec un compatriote (ou se parle-t-il à lui-même ?). Il lui raconte qu'il menait une vie réussie jusqu'au soir où traversant un pont de Paris, il entendit un rire dont il ignorait la provenance. Écho de sa propre conscience, ce rire lui rappela qu'il fut surpris quelques années auparavant par le bruit que provoqua la chute d'une jeune femme dans la Seine, ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre son chemin, pris de remord mais sans réaction : « trop loin, trop tard »…). En cinq journées, tels les cinq actes d’une pièce de théâtre, Clamence confronte le lecteur-auditeur-spectateur à lui-même.

[bt_quote style="default" width="0"]Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve, écrit-il. De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation. J'avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres à peu près, lorsque j'entendis le bruit, qui malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d'un corps qui d'abat sur l'eau. Je m'arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j'entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s'éteignit brusquement. [/bt_quote]

Benoît Lavigne, qui dirige le Lucernaire, aime alterner spectacles populaires, joués par de jeunes troupes, toujours de qualité, et monologues plus exigeants, plus « intellos ». La Chute, de Camus, spectacle créé en 2014 au Festival d’Avignon par Ivan Morane en fait partie. D’abord appelé "Le Cri", ce court roman finit en accusation contre l’Humanité entière. Ce texte intense d’un intellectuel de renom est porté avec puissance par Ivan Moran qui se dépouille et se liquéfie littéralement sous les yeux du public. On sent qu’il prend un grand plaisir à dire les mots d’un homme déchiré, Camus, qui est avant tout un grand écrivain au cerveau en fusion : « Clamence présente une réelle filiation avec les personnages de Dostoïevski, reconnaît l’acteur. Tourmenté, ironique, cynique, et parfois manipulateur puisque le but de sa confession est avant tout de répandre chez son auditeur le poison de la culpabilité ». Le but est atteint mais il faut s’accrocher… pour ne pas décrocher.

La Chute d’Albert Camus
Adaptation  : Catherine Camus et François Chaumette
Mise en scène et avec : Ivan Morane
Durée : 1 h 25

- Jusqu'au 4 mars 2017 au Lucernaire à 19h ( 53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris - Tel : 01 45 44 57 34 / www.lucernaire.fr


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