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Une Maison de poupée : une des premières pièces résolument féministes

  • Écrit par : Guillaume Chérel

poupéePar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/  Pourquoi Nora, jeune femme a priori heureuse et amoureuse de son mari, décide-t-elle de tout quitter en l'abandonnant, ainsi que ses enfants ? Tout semblait aller bien pourtant. La veille de Noël, Nora, insouciante et gaie, prépare le réveillon. Malgré les réflexions blessantes de son banquier d’époux sur son penchant pour la dépense inconsidérée ; comme feu son père, dixit. Il la traite comme un enfant, une poupée, voire comme un petit animal écervelé. Et puis il y a ces lettres… un secret qui menace d'être révélé. Une illusion qui s'écroule...Et...oui, son mari est radin et s’inquiète davantage du qu’en-dira-t-on que de l’épanouissement de sa femme...

Le chef d’oeuvre d’Henryk Ibsen, "Une Maison de Poupée", est adapté de manière moderne, sur la scène du Lucernaire par Philippe Person. L’acteur et metteur en scène reprend l’intrigue écrite en 1879 pour la transformer en huis clos hitchcockien pesant, ou à la manière de Stefan Sweig dans "La peur". L’auteur norvégien se basa sur un fait divers pour imaginer ce couple formé par Nora et Torvald, bourgeois typiques de la fin du XIXe siècle. Heureux parents de trois enfants, apparemment tout va bien mais on apprend que Nora a du contracter un prêt en cachette pour aider son mari aimé et lui permettre de rester à flot. Il aurait été malade… très malade. Du manque d’argent surtout, comprend-t-on. Mais il obtient une promotion et s’apprête à faire licencier celui qui n’est autre que le bénéficiaire de cette dette. Nora n’a pu que mentir à son mari sur l’origine de cette mystérieuse somme et la voilà obligé de tenter d’éviter le licenciement du prêteur subalterne de son mari.
Le metteur en scène Philippe Person fait monter la tension par petites touches mais aussi d’humour. Dehors, la neige est tombée, le sapin de Noël trône sur la droite du plateau. Le reste du décor est seulement composée d’une table, de deux chaises, d’un porte-manteau, mais l’arrière de la maison est subtilement suggérée derrière une vitre qui amplifie les voix, derrière la fameuse boîte aux lettres : on les croirait dans un aquarium. Aujourd’hui, ils s’enverraient des mails. La musique est rock et les costumes sans âge. L’essentiel est dans le texte et le jeu des acteurs. Torvald sous-estime sa femme. Laquelle se rabaisse elle-même jusqu’au moment où elle réalise qu’elle ne l’aime plus et que ce n’est plus qu’un étranger. Au coeur du XIXe siècle traditionaliste, la pièce fit scandale. Elle reste aujourd’hui d’actualité même si elle devait sonner davantage encore dans les années 60-70. En mettant en scène une femme décidée à se libérer du diktat des conventions misogynes, Ibsen a ouvert la porte à Ingmar Bergman entre autres qui, en 1973, réalisa "Scènes de la vie conjugale", à l’origine d’une flopée de divorces dans la très corsetée société suédoise, dit-on.
La fausse ingénue Florence Le Corre joue à merveille la biche blessée (sa scène de danse derrière la vitre est à mourir de rire). Le mari banquier est campé par un Philippe Calvariotout en nuance car il semble mu par de bonnes intentions, tentant de sauver les meubles à la fin et réellement ébranlé par la perte de sa femme. Quant à Nathalie Lucas et Philippe Person, qui jouent deux épaves échouées sur l’autel de la réussite sociale, ils sont émouvants de réalisme lorsqu’ils réalisent qu’en unissant leurs solitudes ils seront plus forts dans l’adversité : peut-être même qu’ils s’aimeront vraiment. Car il n’est question que de cela finalement : d’amour véritable, censé dépasser les problèmes matériels ou faussement moraux...Un très bon moment de théâtre!

Une Maison de poupée de Henrik Ibsen
Adapté et mis en scène par Philippe Person
Durée: 1 h 30
Avec Florence Le Corre, Nathalie Lucas, Philippe Calvario et Philippe Person

- Jusqu'au 12 mars 2017 à 21h au Lucernaire ( 53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris) - Tel : 01 45 44 57 34 / www.lucernaire.fr

- Du 7 au 30 juillet 2017 - 15h10 - au Théâtre de l'Oulle - Festival Avignon Off

 


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