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Forum antique de Bavay : Sur les traces du chef-d’œuvre de Marguerite Yourcenar.

  • Écrit par : Guillaume Chérel

YourcenarPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ A une heure de Paris, en TGV, direction Lille, se trouve l’un des sites archéologiques romains les plus impressionnants au monde : le Forum antique de Bavay. Une toute nouvelle exposition y dresse le portrait de deux vies qui se sont croisées sans jamais se connaître. Celles de l’empereur Hadrien et de Marguerite Yourcenar, qui lui consacra un livre, « Mémoires d’Hadrien », considéré comme son chef d’œuvre.

Marguerite Yourcenar trouva un jour, dans la Correspondance de Flaubert, une phrase inoubliable : « Les dieux n'étant plus, et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. » A sa manière  - mais n’est-ce pas l’ambition de tout artiste, écrivain, « créateur » ambitieux ? - , elle s’est transformée en petit dieu : « J'ai formé le projet de te raconter ma vie , écrit-elle à sa place (…) pour me définir, me juger peut-être ou tout au moins pour me mieux connaître avant de mourir. »

Dans cette exposition, deux vies s’entremêlent, à vingt siècles de distance. La vie de l’empereur Hadrien permet d’éclairer celle de la femme de lettres, passionnée d’antiquité. C’est donc logiquement par les premières pages de « Mémoires d’Hadrien » que l’on entre dans l’exposition. Au point qu’on se croirait dans le bureau de Marguerite Yourcenar, son laboratoire de la création. Des cahiers, dans lesquels elle amassait tous les documents et photos liés à Hadrien, au manuscrit annoté du roman historique, on découvre l’immense labeur de recherche effectué par l’auteure de ces mémoires littéraires. Une vision à la fois intime du travail d’une écrivaine ambitieuse, et historique sur le règne d’un empereur romain hors du commun.

HadrienLe deuxième volet de l’exposition montre le parcours d’un homme soucieux de laisser sa marque dans l’Histoire. Fils adoptif de Trajan, Hadrien est un empereur bâtisseur qui s’attache tout au long de sa vie à sa postérité et à celle de ses proches. Mausolée, villa et statues figurent parmi les exemples de cette volonté de reconnaissance. On y découvre notamment l’histoire de Sabine, la femme d’Hadrien et nièce de Trajan. À sa mort, dans des circonstances inconnues, une rumeur accuse Hadrien de l’avoir empoisonnée. Des accusations auxquelles Marguerite Yourcenar répond, sous « la plume » d’Hadrien : « Il va sans dire qu’un crime si superflu ne m’avait jamais tenté ». C’est ensuite l’homme d’État que l’on découvre, au fil de ses nombreux voyages à travers l’Empire. Ce, juste en face des vestiges du Forum antique de Bavay. C’est cette proximité la réussite principale de cette exposition « littéro-historique » exceptionnelle car originale. On se croirait à la fois dans une BD d’Astérix et Obélix, ou d’Alix, et dans un peplum endirect-live. Suffit de sortir du musée pour quasiment marcher sur les pas de l’empereur… Un homme à la discipline militaire stricte, qui a ordonné la construction d’un mur de 117 km de long ; au nord de la Bretagne romaine. Destiné à protéger l’Empire des attaques ennemies, l’édifice donna lieu à la production d’objets souvenirs dont un exemplaire est présenté lors de cette exposition. Une patère, sorte de coupe ornée d’inscriptions, probablement ramenée par un soldat, qui a été prêtée par le musée de Picardie, à Amiens.

Toujours dans les pas de Yourcenar, c’est un « prince cultivé et curieux » que l’exposition nous fait découvrir. Grand chasseur, passionné par les sciences et homme de culture, l’empereur accordait une importance toute particulière à la lecture. Dans ses mémoires fictives, Marguerite Yourcenar utilise cet amour des lettres comme réponse à l’incertitude historique sur son lieu de naissance : les livres représentent la première patrie d’Hadrien. Marguerite Yourcenar a été jusqu’à reconstituer la bibliothèque qu’Hadrien… à quelques rouleaux (papyrus) près. Un long travail de documentation que le musée nous fait découvrir en partie. L’exposition se termine sur l’histoire d’amour entre l’empereur et le jeune éphèbe Antinoüs. Un magnifique buste, issu des réserves du Louvre détaille les traits fins de ce jeune homme, retrouvé noyé dans le Nil, à peine âgé de 20 ans. Une disparition dont Hadrien eut beaucoup de mal à se remettre, dixit Achmy Halley, co-commissaire de l’expo : « Ce qui a le plus intrigué les historiens, ce n’est pas tellement cette histoire d’amour mais le fait qu’Hadrien porte le deuil. Il a commandé des statues, des bustes, des médailles à l’image d’Antinoüs, fondé une ville en son honneur, pour le faire passer à la postérité. Si bien que le jeune amant est aujourd’hui un des personnages de l’antiquité dont il existe le plus de représentations ».

Marguerite Yourcenar et Hadrien, une réécriture de l’Antiquité, du 4 février au 30 août 2016 au Forum Antique de Bavay ( Allée Chanoine Bièvelet – 59570 Bavay.)

Entrée couplée avec l’accès à l’exposition permanente et au site archéologique. Une visite virtuelle du Forum est également comprise. Tarifs : plein, 5 € ; réduit, 3 € et gratuit pour les « moins de 18 ans ».

Renseignements au 03 59 73 15 50 et sur www.forumantique.lenord.fr


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