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Nathalie Gendreau : il ne faut pas vendre la peau d’Anna avant de l’avoir lue

peau d'AnnaPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ Nathalie Gendreau présente "La Peau d’Anna" comme une version contemporaine de Peau d’Âne. Or, s’il est bien question d’inceste supposé, la maladie d’Alzheimer est une des protagonistes de ce roman aux multiples facettes. À 73 ans, Gérard Volène est atteint de cette dégénérescence du cerveau qui emporte ses souvenirs. Il souhaite retrouver sa fille Anna, qu’il n’a pas revue depuis 35 ans à cause de malentendus. Anne est paniquée à l’idée de revoir cet homme qu’elle ne reconnaît plus comme père, au point de le vouvoyer. Mais une auxiliaire de vie insiste. Le temps presse. Ce père (indigne ?) n’en n’a plus pour longtemps à vivre… lucide. Le moment est venu d’affronter les non-dits. Peu à peu, les pièces du puzzle familial réapparaissent. Et comme un iceberg, les vérités ressurgissent avec force et violence.
Car ce père perdu, elle l’a aimé : « Quand Gérard Volène se leva de son fauteuil, Anna ne reconnut pas l’homme qui avançait vers elle, la démarche fragile et hésitante. Dans ses souvenirs, son père était toujours tiré à quatre épingles, portant l’élégance en toutes occasions. Trente-cinq ans plus tard, le géant fantastique de son enfance avait tout simplement vieilli. » La Peau d’Anna, c’est à la fois l’histoire d’un amour fusionnel, et ambigu, entre un père et sa fille, le cheminement d’une femme qui se libère d’un passé dont elle est prisonnière pour changer de peau et renaître à elle-même. Il y est aussi question de viol, venu d’où on ne l’attendait pas, d’une grand-mère abusive et aveuglée, et des mensonges qui hantent les familles jusqu’à les rendre folles.
On peut aussi voir ce roman comme une réflexion sur ce que le psychiatre P.-C Racamier a nommé « l’incestuel », à savoir « un climat où souffle le vent de l’inceste, sans qu’il y ait véritable inceste. Souvenons-nous de Lemon Incest, de Serge Gainsbourg, avec sa fille Charlotte… C’est un comportement, une absence de pudeur et d’intimité, une projection des fantasmes du parent sur son enfant, qui lui refuse son autonomie. Dans le cas de Gérard Volène, la mort de sa femme l’a peu à peu amené à considérer sa fille comme sa « petite femme », la laissant régenter et refuser l’entrée d’une autre femme dans sa vie. La maladie d’Alzheimer ajoute de la confusion, ou au contraire joue le rôle de révélateur, aux retrouvailles entre le père malade, diminué, et sa fille devenue adulte. Dans ses moments d’absence, le père prend (à nouveau) sa fille pour sa femme et lui raconte ses regrets, ses colères, ses incompréhensions, ce qui replonge Anna au cœur de son problème… et lui sert de thérapie. Le lecteur est tour à tour désarçonné par les comportements des deux protagonistes car le bourreau présumé s’avère libérateur pour la victime officielle. Le style de Nathalie Gendreau, par ailleurs critique littéraire et animatrice d’ateliers d’écriture, est de facture classique mais efficace. Elle sait faire monter le suspense psychologique et mettre en exergue le poids des secrets et surtout des non-dits. C’est dit.

La peau d’Anna
Editions : Dacres
Auteur : Nathalie Gendreau
262 pages
Prix : 14 €

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