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Instantanés d’Ambre : Yôko Ogawa, gloire à l’imaginaire !

  • Écrit par : Serge Bressan

ogawaPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Qu’on se le dise, encore et encore : Yôko Ogawa, la superstar des lettres japonaises, est de retour avec « Instantanés d’Ambre ». Un roman tout en métaphores, avec présence animale, souvenirs, mémoire et musique à toutes les pages. Oui, l’éditeur est catégorique : on a là un roman. C’est écrit en page de garde. On lit- on s’interroge : ne serait-ce pas plutôt un conte (de fées, peut-être) ? Et on relève des phrases, comme : « A la fin, ils placèrent l'agate sur l'oreille gauche, l'ambre sur l’œil gauche, et l'opale sur la bouche. Ils ne s'étaient pas vraiment concertés, cela s'était fait tout seul. L'oreille abritant le professeur des mots qui donnaient naissance aux chansons, l’œil offrant un asile à la benjamine enfouie au cœur des strates et la bouche qui racontait des histoires venues de l'extérieur », ou encore : « Il se rendit compte alors que le monde dans lequel il évoluait se composait d'une suite d'instants rythmés par les battements de cils ». On se rappelle le titre : « Instantanés d’Ambre », le nouveau livre de Yôko Ogawa, 56 ans, une trentaine de romans au compteur. Avouant avoir été grandement influencée par l’écrivain américain Raymond Carver, elle confie ne pas rechercher « l'universalité, mais je m'efforce d'écrire le plus objectivement, le plus précisément possible, les histoires, les lieux, les images qui me viennent ».

Et puis, on se lance. Chapitre I, ouverture : « Par un après-midi de beau temps doux et ensoleillé, si j’ai envie de voir M. Amber, il me suffit de le chercher des yeux au milieu des bancs alignés le long des arbres qui bordent le jardin sur l’arrière ». Roman ? Conte (de fées, peut-être ?) ? qu’importe, dès les premières lignes, on est embarqué par les mots, la poésie de Yôko Ogawa qui n’a son pareil pour faire cohabiter magie et réalisme. « Instantanés d’Ambre », c’est une mère et ses trois enfants réfugiés dans une villa ayant appartenu à son mari avec un jardin entouré de hauts murs. La mère demande aux enfants d’oublier leur prénom, ne plus jamais le prononcer, en choisir un autre pour éviter le danger qui les menace. Les enfants vont donc vivre là, loin du monde mais heureux. Et leurs prénoms nouveaux sont choisis dans une encyclopédie des sciences. Ainsi, avec trois signes sous lesquels ils vont se forger une nouvelle identité, il y aura dorénavant l’aînée Opale, le plus jeune Agate et le cadet Ambre (en passant, on note que celui-ci est le seul nom à ne pas être un minéral mais un fossile- une résine qui contient les strates du passé et qui conserve et restitue l'histoire et les évènements que traverse la fratrie).
Le jardin est une bulle pour les enfants. Loin de tout et de tous, ils développent leur imaginaire. Opale danse. Agate invente des récits… et Ambre pense tant et tant à leur petite sœur morte voilà peu. Dans les marges des pages des encyclopédies, il la dessine. Comme pour la faire revivre. Il crée ainsi des instantanés. Les fameux « Instantanés d’Ambre », comme le rappelle le titre du roman… Cette vie autonome des frères et sœur met la mère à l’abri de ses peurs, de ses névroses, de ses mensonges. Dans ce roman tout en métaphores avec arbres immenses, ruisseau ténu et chants d’oiseaux, on retrouve encore et encore ce qui fait la « marque de fabrique » de Yôko Ogawa : l’ode à l’imaginaire, tout empli de présence animale, de souvenirs, de mémoire et de musique. Et pour le plaisir des mots, pour la maîtrise du style, on lit encore et encore : « A la fin, ils placèrent l'agate sur l'oreille gauche, l'ambre sur l’œil gauche, et l'opale sur la bouche. Ils ne s'étaient pas vraiment concertés, cela s'était fait tout seul. L'oreille abritant le professeur des mots qui donnaient naissance aux chansons, l’œil offrant un asile à la benjamine enfouie au cœur des strates et la bouche qui racontait des histoires venues de l'extérieur ». Des instantanés tout en élégance… 

Instantanés d’Ambre
Auteur : Yôko Ogawa
Editions : Actes Sud
Parution : 4 avril 2018
Prix : 22,50 €


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