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Prendre Gloria : une enquête au suspense arachnéen tirée d'un fait réel

Prendre GloriaPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ Une jeune fille, rentrée dans une église sous les yeux d'une camarade de classe un dimanche matin, n'en sort plus. De conjectures en procédures, les semaines, les mois, les années passent, jusqu'à ce que le dossier se rouvre suite à une découverte macabre qui reconvoque autour du mystère de la terrible disparition une foule de personnages à divers degrés impliqués dans ce fait divers italien.

Le lecteur se trouve balloté entre les revirements de situation, les faux témoignages, et tout le suspense qui ponctue une enquête à épisodes, laborieuse et brouillonne, voire par moments désespérée. La narration ,ici, présente la caractéristique originale d'être alternée entre plusieurs personnages, d'où une succession d'exercices de style pour Marie Neuser, empruntant la gouaille des rues, la pudeur affectueuse d'un père ou, selon, le langage professionnel d'un procureur, et ainsi de suite. Car la géographie du roman s'étale sur tout le périmètre d'une petite ville italienne, et en déborde même les frontières. Tous les habitants, des ouvriers réparant un toit à un curé sur la retraite, en passant par un fétichiste de chevelure féminine et des inspecteurs de police britanniques semblent liés au fait divers dont part l'intrigue: le fait qu'une lycéenne soit, un matin, entrée dans l'église de sa ville, sans en resortir. Resserrée sur ce noeud minimaliste, l'enquête se développe en ramifications de plus en plus denses et complexes et à un rythme crescendo. On dirait les mailles d'un tissage qui piègent peu à peu inexorablement leur proie à la façon d'une toile d'araignée, comme celle où s'est trouvée prise Gloria peut-être, ou celle où on voudrait en tout cas bien voir pris enfin le coupable. C'est que le roman fait dialoguer divers et très distincts points de vue sur l'affaire en en mélangeant à souhait les dates, voire les années, auxquelles leurs auteurs les livrent, ce qui brouille les pistes. Rien de bien construit et lisse en apparence, n'était le talent de Marie Neuser, recoupant délibérément les pièces d'une enquête comme dans la "vraie vie", de celles dont il n'est possible de restituer le fil cohérent qu'après coup. Aussi parcourt-on à la lecture un brassage de témoignages et informations, accompagnés des ressentis qu'ils générent chez les protagonistes de cette histoire. Ce qui est le plus déroutant, c'est qu'on sait dès le début qui il faut arriver à "prendre", qui est un meurtrier dangereux à appréhender d'urgence. Par où on voit la prouesse de la romancière, parvenant à nous tenir en haleine car l'identité du coupable a beau être vite révélée, cela ne suffit pas à clôre le dossier, ni l'histoire, ni le récit. C'est que l'intérêt de l'auteur devait être ailleurs. Et de fait, au final, "Prendre Gloria" constitue un excellent moment de fiction basé sur un fait réel, et en même temps une critique sociale sans concession qui montre du doigt précisément de dures réalités: celle des rouages défaillants de la justice, la compromission d'hommes d'église avec le vice, la mauvaise conscience de tout un chacun, et ce que la folie meurtrière a d'irrépressible. Glaçant, vertigineux et implacable message que celui ainsi illustré.

Prendre Gloria

Auteur: Marie Neuser
Editions: Fleuves
Parution: 14 janvier 2016
Prix: 19,50 euros

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