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Bernard Dupaigne : les indicibles vérités des « Désastres afghans »

desastres afghansPar Félix Brun - Lagrandeparade.fr/ Bernard Dupaigne n’est pas un quelconque aventurier : ancien directeur du laboratoire d’ethnologie du Musée de l’Homme, il nous fait partager à travers ses carnets de routes, toutes les anecdotes, toutes les expériences et les observations qu’il a pu mener depuis des années, à l’occasion de ses cinquante missions et études en Afghanistan. « L’ ethnologie  c’est raconter la vie des autres.[…] Qu’est-ce que la vie, sinon des rencontres, des confrontations parfois, des moments partagés ou regrettés. » C’est un véritable document historique qui nous permet de mieux comprendre les enjeux et les conflits dans cette contrée qui a toujours «été le théâtre d’ambitions hégémoniques de la part des nations voisines, de guerres tribales. Ainsi le lecteur découvre ce pays sous un autre angle, un peuple trahi par la modernité, où l’argent facile des grandes puissances occidentales gangrène et corrompt l’Etat et les responsables politiques au pouvoir illusoire. L’Afghanistan est un pays occupé. Cela ne peut durer éternellement, pour le meilleur ou pour le pire. […] Il est temps  que les afghans acceptent de vivre par eux-mêmes, et non plus sous perfusion de l’étranger : ils ne peuvent continuer d’attendre tout de nous, en criant constamment au complot qui serait organisé contre eux. »

Comment en est-on arrivé à cette situation de chaos permanent, masqué par une communication orientée ? "Avant la guerre, les afghans étaient de bons vivants, et ne se forçaient pas à cette ostentation de la religiosité. La guerre les a radicalisés. Ou , plus exactement, étant devenus dépendants des étrangers pour leur armement et leur financement, ils ont dû surjouer  la piété, aux yeux des donateurs et à ceux de leurs voisins."
Sans concession et surtout sans langue de bois, Bernard Dupaigne dénonce ce joug permanent des puissances étrangères depuis l’ex-URSS, la Russie, les USA et la coalition internationale parmi laquelle figure la France de 2001 à 2014. « Le gouvernement français a également entretenu le système de corruption généralisée, en finançant des personnalités sans leur réclamer des comptes financiers. » Il accuse et condamne le gaspillage des moyens mis en œuvre par la France, les crédits massivement consommés avant de pouvoir aider les paysans afghans, en particulier par les salaires élevés des envoyés et chargés de missions de l’Etat Français ; la lourdeur de notre administration, l’empilement de la hiérarchie , et la lenteur des décisions ont largement contribué à l’échec  total de nos actions « humanitaires ». Bernard Dupaigne révèle l’indicible condition des femmes afghanes : "Dans un pays où il n’y a pas d’état civil, où personne n’enregistre la naissance d’une fille, sa disparition passe inaperçue.[…]Les jeunes filles campagnardes restent des objets, pas des sujets. Elles ne comptent pas."
Ce livre est un vrai brûlot , il dérange, déroge aux idées toute faites que nous ont martelées les médias sur l’Afghanistan.  L’auteur a l’espoir que ce peuple saura réagir et redevenir une nation pacifiée et tolérante. Dans les années quatre-vingt dix, certains chefs de tribu déclaraient à Bernard Dupaigne : « Dieu est tout puissant . Il a laissé les êtres humains suivre différentes croyances. Si plusieurs religions subsistent, c’est qu’Il l’a voulu. »

Désastres afghans. Carnets de route 1963-2014
Auteur : Bernard Dupaigne
Edition : Gallimard

Prix :21€ - Parution : 29 octobre 2015

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